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…….. du virus pédagogique….

Description    

…….. du virus pédagogique….

par Alain Louvier

Très tôt, il me fut inoculé par mes parents, aussi pédagogues jusqu’au bout des ongles qu'ils étaient peu musiciens.

Grâce soit rendue au vieux piano droit Peaucelle-Coquet de ma grand'mère (accordé à 435!)…je lui dois que mes dons d'explorateur intrépide des sons aient été décelés très jeune…

Abasourdis, presque contrariés, mes parents eurent alors l'idée (totalement folle à l'époque) de faire l'école pour moi tout seul à la maison, puis par correspondance, et cela jusqu’au Bac!

On les prit pour des fous dangereux…

Je garde de cette époque extraordinaire la conviction de l'absolue supériorité de l'enseignement individuel, socratique: donnée fondamentale de l'enseignement instrumental ou vocal. Et une méfiance viscérale envers l'enseignement "de masse". C'est mon côté "vieux jeu", mais je l'assume.

Je suis donc tombé dans plusieurs marmites quand j'étais petit: celles de mon père (maths, physique, biologie), celles de ma mère (orthographe à l'ancienne, littérature, histoire); ces bases assurées, mes parents acceptèrent alors d'ajouter le solfège (à l'ancienne aussi), l'harmonie ou le piano, avant de me lâcher dans l'orbite de notre cher Conservatoire de Paris.


Pour la suite, je ne peux que conseiller la lecture de l'excellente biographie de Pierre-Albert Castanet*


Tout bêtement, je pensais, pendant mes longues études au CNSM de Paris, devenir professeur (mais de quoi?). La Villa Médicis, puis le destin, en la personne de Marcel Landowski, me déroutèrent, à 27 ans, vers le métier exaltant et infernal de Directeur de Conservatoire…N'ayant jamais enseigné, je devais diriger une équipe d'enseignants!!!


40 ans plus tard, j'essaie de comprendre les raisons de cet engagement précoce, qui m'a détourné aussi d'une vraie carrière de compositeur ou de chef (mais en avais-je vraiment envie?)

Nous y voilà:

1- Première inoculation du virus pédagogique: à 17 ans, à peine bachelier, mon père me demande de faire des cours de maths à des adultes pour l'association de cours du soir dont il s'occupait.

2- A 20 ans, sans préparation, mes parents m'obligent à passer le professorat des lycées, et j'apprends alors que tous les diplômes du monde ne sont d'aucun secours pour apprendre la syncope à une classe de cinquième…

3- à 22 ans, je suis amené à présenter de la musique d'avant-garde dans des concerts scolaires JMF d'un ensemble de percussions où je jouais le piano: je découvre alors que la clarté de la pensée prime tout, pour expliquer une courbe algébrique ou pour initier à Xenakis…mais la musique, elle, permet la métaphore - sorte de poésie de l'exactitude.

Un public doit avoir l'impression que l'on cherche avec lui. La gentillesse, le sourire du présentateur sont essentiels.

4- Pendant mes études de direction d'orchestre, je monte les travaux de mes camarades, en général des rébus redoutables qui défient l'analyse, le geste et la pensée rythmique (c'était l'époque); là, le chef doit être clair…

5- Enfin, en 1966, l'examen d'analyse musicale dans la classe de Messiaen: analyser le final de La Mer de Debussy au piano, en 18 minutes: cela laisse des traces.


Olivier Messiaen rendit définitive mon addiction au virus pédagogique, et lui donna une coloration finalement assez logique: l'enseignement de l'analyse.

Voilà pourquoi je n'ai jamais cessé d'enseigner, même en seconde activité.

Expliquer les œuvres du répertoire que j'aime et admire est pour moi un devoir sacré. J'ai retenu la leçon de mon père, qui dès 1960 utilisait les premiers magnétophones et le cinéma pour ses propres cours du soir.

Rien ne me consterne davantage qu'un discours sur la musique, sans musique…le son et la parole doivent se mêler: l'un commence quand l'autre devient impuissant.

De plus, est-ce bien raisonnable de jouer au piano (même si on sait le faire) une œuvre d'orchestre aux couleurs innombrables et merveilleuses? Certes le Cd permet un accès aisé au matériau réel, mais pas de sélectionner les "couches" superposées dans l'orchestration…

J'ai très vite compris que la présence réelle des musiciens pouvait rendre passionnant une analyse, aux côtés des tableaux, listes de thèmes ou de modes, que l'on peut projeter ou distribuer à l'assistance.


J'ai une haute idée du "cours public" d'analyse musicale, que je ne confond pas avec des "leçons de musique" où l'on dit un peu trop au public ce qu'il a envie d'entendre. Mon but est de surprendre, mon rêve est de rendre facile la complexité, et d'en révéler la beauté cachée.

Cette démarche seule peut élever l'esprit.

Amis visiteurs de ce site, j'ai pensé offrir à votre curiosité quelques uns de mes cours publics d' analyse, récemment filmés, surtout au Conservatoire de Boulogne, où je suis entouré de magnifiques musiciens, étudiants ou professeurs.

Certaines de mes analyses ayant fait l'objet d'articles ou de livres édités, on les trouvera à la rubrique "publications"; ma réalisation la plus aboutie est sans doute l'analyse du Réveil des Oiseaux de Messiaen au CNSM de Paris, disponible en CD au CNSMDP…il n'y manque que les merveilleuses couleurs de leurs livrées et plumages..…

Bon voyage…


* Louvier, les Claviers de Lumière, par Pierre-Albert Castanet;Les Claviers de Lumière

éditions Millénaire III, 2002