Note de l’Auteur

J’ai voulu, dans cette pièce pour deux Violes d’Amour que m’a demandée Pierre-Henri Xuereb, rendre hommage à un grand musicien de la Renaissance allemande : Heinrich Ignaz Franz Biber (16441704)

Dans ses quinze célèbres Sonates du Rosaire (1678), Biber utilise, au violon, des scordature toutes différentes.

Dans Biber and the Beast, les 2 violes d’amour sont accordées identiquement, avec une 3ème corde sur le Mi3 baissé d’un quart de ton, situé au milieu exact de la quinte juste Sol-Do des cordes 2 et 4. Ceci permet de jouer plus aisément le mode imparfait (mode intermédiaire entre majeur et mineur, où les degrés 3, 6 et 7 sont baissés d’un ¼ de ton).

En outre, la deuxième viole est dotée d’une 7ème corde grave, donnant le Sol1 (la 3ème corde du violoncelle)

Biber utilisa, par ailleurs, les nombres et leurs symboles, à une époque où la Musique était encore considérée comme une Science, à l’instar des Mathématiques ou de l’Astronomie. Il a connu par exemple le vaste traité musical Musurgia Universalis, publié en 1650 à Rome par le Jésuite Athanasius Kircher.

Biber and the Beast est construit sur la suite des nombres triangulaires  S(1) à S(36); rappelons la définition par un exemple : S(4) = 1+2+3+4 = 10, somme des 4 premiers nombres entiers.

La pièce, qui comporte 36 séquences, s’arrête sur S(36) = 666, nombre de la Bête de l’Apocalypse, d’où le titre…

Un tableau montre aussi la correspondance des séquences 11 à 36 avec les 26 lettres de l’alphabet, associée chacune à une note précise, extrapolant l’alphabet musical allemand…

Cet aspect symbolique permet la transmutation en mélodies de toutes sortes de noms :  Biber (proche de Bibel, la Bible…), Kircher et Musurgia, les programmes très imagés des Sonates du Rosaire, etc…

Peu à peu, dans la seconde moitié de l’œuvre, les nombres passent au second plan, le discours, rempli de ces noms innombrables, devient virtuose, et les danses du Baroque ou de la Renaissance sont fugitivement évoquées. Mais tout se brisera finalement sur le nom de la Bête….