1998 Météores 2 pianos et orch 17 mn Ed. Mus. Européennes
Commande de l’Orchestre National d’Ile-de France
Création le 5 février 1999 à Montereau par l’Orchestre National d’Ile-de-France, pianos Isabelle et Florence Laffitte, direction Jacques Mercier
Jacques Mercier, infatigable défenseur de la musique française du XXème siècle, et condisciple d’Alain Louvier à la classe de direction de Manuel Rosenthal, demande à l’auteur des Études pour Agresseurs d’écrire une oeuvre pour 2 pianos et orchestre, pour une série de concerts en Ile-de-France, ayant comme thématique l’humour (au sens large) ; au même programme, la Symphonie l’Ours de Haydn, le Concerto pour 2 pianos de Poulenc et la Symphonie Classique de Prokofiev. Le duo des soeurs Laffitte en est le destinataire…
Pour l’avant-programme, Alain Louvier, avant même d’avoir élaboré le plan de composition, doit trouver un titre et envoyer un texte! Il pioche alors dans le dictionnaire encyclopédique Quillet, et dans …. Molière :
…le Maître de philosophie: La physique …nous enseigne les causes de tous les météores, l’arc-en-ciel, les feux volants, les comètes, les éclairs, le tonnerre, la foudre, la pluie, la neige, la grêle, les vents et les tourbillons.
(Le Bourgeois gentilhomme, acte 1 scène 6)
Retournons au dictionnaire:
Météore , nom masculin (du grec metewros, élevé dans l’air). Se dit de tout phénomène qui se passe dans l’atmosphère; il existe des météores gazeux (vents, tornade, cyclone, orage),
liquides ou solides (rosée, gelée, nuages, brouillard, pluie, neige, grêle),
optiques (arc-en-ciel, aurores boréales), sonores (tonnerre), électriques (foudre, éclairs )
………………
Alain Louvier, reprenant la technique des Etudes pour Agresseurs, invoque ici des phénomènes mystérieux, aux trajectoires rapides et furtives, souvent descendantes .
En effet, un météore peut être terrifiant, mais aussi doux, diffus ou subtilement pervers.
Quelques uns de ces météores fileront sous les 20 doigts véloces des pianistes solistes…. l’orchestre sera l’atmosphère … à moins qu’il ne se mue en pluie de météores….
Des sonorités insolites sont recherchées tout au long de ces Météores… mais aussi quelques allusions au travers d’un argument imaginaire:
“…. un objet beethovénien de type héroïque, comprenant 13 notes est coagulé en un accord brutal qui débute la partition: Il explose en rentrant dans l’atmosphère, et des bribes du thème parcourent les 13 moments, le thème original (en mi bémol) , étant transformé de manière dodécaphonique, rythmique, statistique ou simplement polyphonique…
…après des péripéties de type catastrophe ou intempérie, l’objet resplendit dans un arc-en-ciel final pendant que les solistes vont chercher la tête du thème dans les cordes des pianos… mais un dernier météore, mystérieusement soporifique, endort les 2 pianistes…”
13 météores caractéristiques, en 13 moments musicaux enchaînés:
Introduction (OBBI*) (mes. 1 à 13) * Objet Beethovenien Bien Identifié
Le thème du final de l’Héroïque (13 notes) est contracté dans le premier accord des pianos, puis explose en éclats de toutes sortes.
Après ce big bang, 13 météores s’enchaînent, d’une durée d’une minute (sauf le dernier)
I – Bolides (mes. 14 à 68)
Ostinato de 13×13 = 169 noires à la timbale (tempo MM 169), sur lequel interviennent 13 objets sonores très différenciés ; la note polaire ré+1/4 ton est la 13ème note ajoutée au thème de Beethoven dodécaphonisé
II – Aérolithes (mes. 69 à 92)
Même tempo ; sur un fond sonore discret à 7/4 de l’orchestre, les 2 pianos entament une poursuite par décalage de vitesse: leur carillon final est interrompu par le chef… hurlement des clarinettes.(mes 92)
III – Tempête de neige (mes. 93 à 113)
Sonorité cotonneuse dans le grave des pianos en ostinato flexible. Remarquer les masses de cordes en glissandi graphiques (mes. 111-112)
IV – Bourrasques (mes. 114 à 126)
Opposition entre un tempo de l’orchestre 4 fois plus lent qu’au début, et des interventions en trajectoires descendantes des 2 pianos jouant la même partie (ce qui donne un effet de flou, étant donné les notations parfois approximatives des clusters) ; toutes les recherches digitales de l’auteur sont ici présentes, et l’orchestre procède par imitations.
V – Grêle (mes. 127 à 151)
En 5 parties sur basse de passacaille reprenant le thème de 13 noires, en mouvement rétrograde…
Observer la déformation progressive du thème, qui termine dodécaphonisé (avec le ré+1/4 en 13ème note)
Les nuages de pizz ou accords secs aux pianos figurent la grêle….
VI – Foudre (mes. 152 à 195)
Dans le tempo initial 169, autour du pôle do#: pièce très violente et percutée, aboutissant à un appel fff des cuivres ….
VII – Alizés (mes. 196 à 209)
Climat impalpable, contraste absolu : les 2 pianos redonnent, mais ppp et décalés les mêmes objets que dans Bourrasques. Point de suspension…
Retour de l’introduction “OBBI” (mes. 210 à 222)
VIII – OMNI ** (mes. 223 à 277)
Ces ** Objets Météoriques Non Identifiés sont volontairement étranges, rendus méconnaissables par des recherches d’alliages de timbres hétéroclites (exemple: mes. 240 les cordes écrasées + flatt des cuivres)
C’est une reprise variée de la pièce n° 1 (Bolides), les 2 pianos remplaçant la timbale pour l’ostinato (à noter l’emploi d’harmoniques impairs pour obtenir, en touchant des cordes graves, les partiels Ré ou Mi + 1/4)
A noter aussi mes.271-273, le passage furtif de l’Héroïque…
VIII – Étoiles Filantes (mes. 278 à 298)
Remake de la pièce n°2 (Aérolithes), les 2 pianos étant seuls puis amplifiés par l’orchestre. Tous les intervalles des arabesques des pianos sont basés sur les nombres 1, 2, 3, 5, 8, 13… 1/2 tons.
Les étoiles filantes proprement dites sont figurées par des glissandi de cordes solistes, en 13 durées variées.
IX – Aurore Boréale (mes. 299 à 311)
Étude de masses: cordes glissées entièrement divisées convergeant vers la 13ème note ré+1/4; jeu complexe de permutations aux pianos; atmosphère de carillon onirique.
X – Cirro-stratus (mes. 312 à 327)
Solo double du saxo soprano et du violoncelle ornementant autour du ré+1/4; écriture en blocs instrumentaux homogènes (remarquer les accords parallèles de 12 sons aux 2 pianos mes. 324-325).
XII – Grésil (mes. 328 à 348)
Un orchestre de chambre de 13 solistes environne les 2 pianos ; champ harmonique en intervalles de 13/4 tons superposés, dont 4 restent en résonance dans la 3ème pédale des pianos. Figures cristallines en miroir.
XIII – Arc-en-ciel (mes. 349 à 397)
Faisant entendre dans l’ordre traditionnel les sept couleurs de l’arc-en-ciel, ce météore apaisé, méditatif, fait office d’adagio final : dans chaque couleur alternent trames orchestrales riches d’harmonie, et récit des pianos à base d’harmoniques : dans certains modèles de pianos (malheureusement pas les Steinway de concert) on peut toucher les cordes graves la/si/fa respectivement aux 11ème, 10ème et 7ème de la longueur des cordes, ce qui permet d’émettre trois ré+1/4 ou ré# de fréquences légèrement voisines… cette irisation par battements acoustiques est la base compositionnelle de ce final, qui s’achève sur le spectre complet du la grave (mes. 395-397)
Coda (mes. 398 à 411)
Quelques météores résiduels entraînent les pianos et timbales vers le thème beethovénien, s’arrêtant avant la note finale… les pianistes s’endorment sur leurs claviers.
Nomenclature de l’orchestre :
2 Flûtes (Fl 2 prenant le Piccolo)
2 Hautbois (Hb 2 prenant le cor anglais)
2 Clarinettes en si bémol (Clar 2 prenant la clarinette basse )
2 Bassons
1 Saxophone soprano
2 Cors en fa
2 Trompettes
2 Trombones
1 Tuba
1 Harpe
2 Pianos solistes (avec 3ème pédale )
3 Percussions (voir nomenclature dans la PO)
violons 1 (au moins 10)
violons 2 (au moins 8)
altos (au moins 6)
violoncelles (au moins 6)
contrebasses (au moins 4)